Les 24h de Stan : genèse et souvenirs...

Par René PINEAU - Promotion 65-68

C’était il y a bien longtemps, dans les années 60. À l’Agro de Nancy, l’E.N.S.A.N., on avait pris l’habitude d’organiser au mois de janvier un bal de prestige, comme le faisaient la plupart des autres écoles d’ingénieurs, dans les salons de l’Hôtel de Ville et ainsi d’associer les nancéïens à nos activités.

1966

 Les élèves de la promo 64 - 67, alors en seconde année et sous la houlette de leur Président Guy Signon, avaient organisé la Nuit de l’Agro en janvier 1966 et les invités d’honneur étaient, excusez du peu ! Stéphane Grappelli et Bill Coleman, deux jazzmen mondialement connus. Les premières années avaient bien évidemment été sollicitées pour annoncer l’événement et c’est sous la forme d’un défilé en ville, assorti d’un char agricole, qu’elles se sont manifestées.

En tête de cortège se trouvent les scooters d’Alain Taborin et de Jerzy Koscinski…

… suivis de Daniel Berceliot et de Jean-Luc Devillers. Au loin, le précurseur des chars actuels.

1967

L’année suivante on ne pouvait faire moins bien et dès la rentrée 1966 la Commission Folklorique se mit à réfléchir au meilleur moyen d’informer et de motiver la population pour venir en foule participer au bal qui devait être animé, dans les Salons de l’Impératrice, par Guy Lafitte et Trumpet Boy. Une flamme oblitérante spéciale avait été demandée et obtenue auprès des P.T.T. et ainsi, pendant plus de trois mois, tous les courriers de Nancy ont semé la bonne parole dans la région, et bien au-delà. Un défilé en ville avait aussi été prévu et, en sus des vélos et autres scooters décorés, plusieurs chars avaient été construits.

 

Sur cette photo du char piscico-œnologique, prise rue Ste Catherine, on reconnaît le regretté Jean-Louis Bornot, Jean-Pierre Algrain, un pêcheur de première année, ainsi que Pupu, à droite.

Sur cet autre char, où prévaut l’ambiance musicale, s’illustrent notamment Achille et Riton.

 

Mais tout cela paraissait encore insuffisant et les délégués au folklore de la promo 65 - 68, Gérard Godet et René Pineau en tête, planchaient dur pour propager l’information. C’est ainsi qu’est née l’idée un peu farfelue, il faut bien en convenir  avec le recul du temps, de faire tourner un vélo, dûment bardé de publicité, durant 24 heures autour de la place Stanislas, histoire d’intriguer et d’intéresser les passants. En ce temps là, les véhicules pouvaient rouler autour de la place Stanislas, mais la circulation n’était pas aussi dense que maintenant et obtenir l’autorisation de la Mairie n’a été qu’un jeu d’enfant. Les experts géomètres de la promo ont alors mesuré au plus juste le pourtour de la place : 296,48 mètres exactement et le samedi 7 janvier à 16 heures pile le premier relayeur s’élança pour un périple de 1665 tours, soit 493 kilomètres parcourus.  Et L’Est Républicain, dans son édition du 8 janvier 1967, rend compte pour la première fois des 24 heures de Stan.

Sur cette photo, prise en pleine nuit, on reconnaît, bien évidemment, Loulou Mailles sur le vélo et Gérard N’Gamokouba, Patrick Miot, Mohammed Besri, le grand Loux et René Pineau parmi les spectateurs.

Le bal de l’Agro fut un plein succès et c’est le moment que le Professeur André Veillet, le directeur de l’E.N.S.A.N., avait choisi pour annoncer l’achat de la ferme de la Bouzule et présenter la maquette de la future école sur le campus de Vandoeuvre. Telle fut la première édition.

1968

13 janvier 1968 : nouvelle Nuit de l’Agro. Les invités vedettes chargés de l’animer sont tout aussi prestigieux que leurs prédécesseurs : Chris Barber et Pierre Février et là encore il s’agit d’annoncer la bonne nouvelle avec efficacité. Ce sont les membres de la promo 66 - 69, présidée par Gérard Raeven, et son délégué folklorique Jacques Dreyfuss qui s’en chargent. En ce début d’année 1968, le beau temps n’était pas de la partie et laissons au journaliste de l’Est Républicain le soin de faire le compte-rendu de cette nuit mémorable :
Lorsque 16 h. sonnèrent, hier, les gars de l’E.N.S.A.N. poussèrent un ouf de soulagement : les 24 heures de la place Stanislas étaient terminées. Il faut dire que cette année, pour cette épreuve folklorique et fort sympathique, le temps ne s’était pas révélé particulièrement clément. La nuit du samedi au dimanche, en particulier a réservé aux jeunes coureurs de bien désagréables surprises. Pour la narration de cette nuit mémorable, nous préférons leur laisser la parole : « À partir de minuit, c’est un groupe de sept ou huit élèves de 3e année qui se chargea d’assurer les relais. Le temps se gâte ; la neige fait son apparition, et vers 2 heures du matin toute la place est recouverte d’une bouillie fondante et glissante. Plus question de rouler à l’allure soutenue qui a permis, à 1 h. du matin de gagner encore quelques tours sur le tableau de marche. C’est au ralenti qu’il faut rouler pendant quelques temps afin d’éviter le dérapage. C’est ce moment que de joyeux noctambules choisissent pour en faire voir de dures à nos vaillants sportifs bénévoles : ils ne comprennent pas toujours l’intérêt (purement moral) de cette endurance sous les intempéries. Boules de neiges et queues de poisson devant le vélo, déjà en difficultés à cause du terrain glissant ralentissent encore l’allure. C’est regrettable ! Plus question de continuer le contrôle dans la petite guérite de bois : la neige en a crevé le toit. Heureusement la camionnette de l’E.N.S.A.N. a été mise à la disposition (N.D.L.R. : merci Monsieur Marichal) des élèves sur la place ; c’est un refuge idéal pour l’équipe. On s’installe au milieu des vêtements détrempés, des affiches annonçant le prochain bal de l’Agro, du réchaud pour le café, des instruments de réparation et on continue à compter les tours, on se repose, on répare les vélos. De temps en temps, des visiteurs sympathiques viennent s’enquérir des performances ou du but réel de cette entreprise ; on bavarde, on partage les provisions. Tous les quarts d’heure, le contrôleur armé de son petit drapeau ou un relayeur muni d’un brassard lumineux réglementaire, s’engouffre dans la camionnette. On essore les vêtements, on se réconforte avec une soupe à l’oignon bien chaude… et déjà un autre est reparti ! Six heures, enfin… Des élèves de 2e année prennent le relais. On est trempé depuis 2 h. du matin, mais seulement une quinzaine de tours ont été perdus. Encore 61 tours d’avance sur le tableau horaire : des troupes fraîches et reposées se chargeront de les augmenter dans la matinée. Certains coureurs ont effectué plus de 90 tours cette nuit : 30 km. et tout cela pour rien, uniquement pour la beauté du geste, car la neige s’est chargée de recouvrir les affiches annonçant le bal et la pluie de les détruire… À 16 h. lorsque s’achèvent les 24 h. de la place Stanislas, les gars de l’E.N.S.A.N. avaient parcouru 1845 tours, soit très exactement 504 km 275. Les 75 participants tiennent à remercier les amis qui sont venus les encourager, et tout spécialement les propriétaires du tabac « Le Royal » qui leur ont très aimablement offert les cigarettes pour « soutenir le siège ».

L’agriclette de la promo 66 - 69.  Au pédalier Gérard Godet (65 - 68), l’un des initiateurs des 24 heures de Stan’.  Un franc-comtois de seconde année, Edmond Brepson, avait construit, pour la circonstance, une agriclette, un étrange véhicule mi bicyclette, mi tricycle censé tenir les 24 heures mais qui, hélàs comme on peut le voir sur la photo, a subi quelques déboires précoces.

Précisons également que le carburant utilisé lors de la course avait été fourni par le père de l’un des participants, Jean Gratraud, natif de Cognac.

Et j’ai personnellement souvenir d’un magnifique vol plané de Yurek (Jerzy Koscinski) et de sa bicyclette, vers trois heures du matin, par dessus le capot d’une 4 L qui descendait la rue Stanislas et ne s’était pas arrêtée en abordant la place. Beaucoup plus de peur que de mal, surtout pour les organisateurs. Yurek est un dur, mais la sécurité n’était pas, à cette époque, notre préoccupation première…

Au final, est-ce que toute cette débauche d’énergie a vraiment amené plus de participants au Bal de l’Agro ? On ne le sait pas. Ce que l’on sait seulement c’est que le bal a disparu des éphémérides nancéïennes et que les 24 heures de Stanislas ont, par contre, prospéré au delà de toute espérance. Nous laissons le soin aux promos suivantes de présenter leur évolution. Place aux jeunes !

Remerciements : Nos remerciements s’adressent à nos collègues Jacques Fargues et Jerzy Koscinski qui nous ont adressé des photos de leur bibliothèque personnelle. Nous avons puisé également dans le site internet de la promo 65 - 68 créé et administré par Pierre Roger et nous louons tout particulièrement l’efficacité du service des archives de la bibliothèque de Nancy, site Stanislas, qui nous a permis d’accéder aux journaux d’époque.

René PINEAU - Promotion 65-68

 

1970 

[Image amateur, Anne-France Lanord : Centre Image Lorraine]

 

Galerie Photos : © Pierre Armand Roger (1968) - Gérard Chinal (1976) - Thierry Devron (1976) - Philippe Wallet (1984)