Colloque Biocontrôle

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08 Février 2016

Alors que l’agroécologie est promue fortement par le gouvernement, les étudiants de l'ENSAIA (spécialisations Biotechnologies, Protection des cultures) ont organisé en partenariat avec la société BASF un colloque intitulé "Biocontrôle : concilier respect de l’environnement et agriculture compétitive", le 8 février 2016 au Centre des congrès Jean Prouvé de Nancy. Cette journée a mobilisé près de 300 participants et a été le lieu d’échanges riches et diversifiés entre étudiants, chercheurs, agriculteurs et industriels autour des aspects concrets de mise en pratique des solutions de biocontrôle en agriculture. Le colloque a été l'occasion d’établir un état de l’art et de faire un tour d’horizon des enjeux. Parmi ceux-­ci, il apparaît que le pas de temps de la recherche n’est pas le pas de temps de la sphère politique !

Quelques chiffres à retenir :

  • Les solutions de biocontrôle représentent entre 3 et 5% du marché aujourd’hui.
    L’IBMA estime qu’elles représenteront 15% d'ici les 4 prochaines années.
  • Des situations variées suivants les cultures : par exemple, 85% des surfaces de production de tomate sous serres utilisent d’ores-­et-­déjà des solutions de biocontrôle alors que les grandes cultures ne disposent que d’un nombre limité de solutions (10 à 15).
  • D’ici 2018, 52 nouveaux produits de biocontrôle devraient être mis sur le marché : 17 en vigne, 14 sur légumes, 9 sur fruits, 7 sur céréales, 3 sur fleurs et 2 sur betteraves sucrières.

    [ IBMA France regroupe la majorité des entreprises intervenant sur le biocontrôle : le groupe est composé de 39 membres. Les start-­up et les groupes multinationaux y sont représentés indépendamment du fait qu’ils soient spécialisés dans le biocontrôle (acteurs du domaine des levures, des enzymes, du pétrole, coopératives…). Cette composition témoigne de la grande diversité des acteurs mobilisés pour le développement du biocontrôle.]

Dominique Potier, député de Meurthe et Moselle et auteur du rapport « Pesticides et agro-­écologie, les champs du possible » rendu en décembre 2014 au Premier Ministre est revenu sur les principaux éléments décrits dans son rapport. Pour relever le double enjeu de nourrir 10 milliards d’habitants d’ici 2050 tout en garantissant la qualité des produits agricoles et le cadre de vie des citoyens, les pratiques agricoles doivent intégrer un certain nombre de leviers agronomiques et techniques dont les produits de biocontrôle font partie intégrante. Ces derniers représentent actuellement entre 3 et 5% du marché et devront atteindre 15% d'ici les 4 prochaines années de façon à permettre, en complément des autres solutions, de répondre à l’objectif politique d’Ecophyto II d’une réduction de 25% des pesticides en 2020. Pour atteindre cet objectif, il apparait nécessaire de délimiter le statut des produits de biocontrôle, d’accélérer leur mise sur le marché et de fédérer les acteurs de la recherche et les industriels afin de favoriser l’émergence de solutions innovantes. Le lancement du consortium public / privé de recherche et innovation sur le Biocontrôle, il y a un an, participe à cet effort.

Denis Longevialle, Secrétaire général de l’IBMA a repris la définition officielle émanant de la loi d’avenir pour l’agriculture (article L.253-­‐6 loi n° 2014-­‐1170 du 13 octobre 2014) : « Les produits de biocontrôle sont des agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures ». Le Biocontrôle pourrait, en théorie, protéger les plantes contre la plupart des stress biotiques en utilisant des mécanismes et interactions naturels. Il est fondé sur la gestion des équilibres entre populations plutôt que sur leur éradication. Il trouve toute son expression dans la protection intégrée des cultures, dans laquelle le Biocontrôle fait partie intégrante des solutions déjà existantes (génétique, agronomie, produits phytopharmaceutiques…). Les produits du biocontrôle regroupent : les macro-­‐organismes (acariens, insectes, nématodes), les micro-­‐organismes (virus, champignons, bactéries), les médiateurs chimiques (phéromones, kairomones), les substances naturelles (d’origine animale, végétale et minérale). Si actuellement, 85% des surfaces de production de tomate sous serres utilisent des solutions de biocontrôle, peu de solutions (10 à 15) existent par exemple pour les grandes cultures. Une enquête réalisée auprès de 15 entreprises membres d’IBMA (soit environ 40% des membres) a montré que d’ici 2018, 52 nouveaux produits devraient être mis sur le marché, si les procédures sont simplifiées et/ou accélérées : 17 sur vigne, 14 sur légumes, 9 sur fruits, 7 sur céréales, 3 sur fleurs et 2 sur betteraves sucrières.

Ces questions relatives à la procédure réglementaire de mise sur le marché ont été abordées et explicitées à la tribune par Nathalie Therre, adjointe au sous-­‐directeur de la qualité et protection des végétaux à la DGAl. Les produits de biocontrôle sont maintenant inscrits dans la loi française mais également dans la réglementation communautaire.
La réglementation liée aux produits de biocontrôle appartenant à la catégorie des médiateurs chimiques, des micro-­‐organismes ou des substances naturelles se rattache à celle liée aux produits phytopharmaceutiques et nécessite 2 La DGAl est en charge de la réglementation liée aux intrants, pour la protection des cultures comme pour les produits fertilisants. Elle prend en charge également les politiques de bon usage des produits de ce fait une approbation des substances actives au niveau européen et la délivrance d’une AMM (CE1107/2009) par l’ANSES (depuis le 1er juillet 2015). Néanmoins, pour favoriser la mise sur le marché de tels produits, des procédures accélérées pour l’évaluation des produits de biocontrôle (allègements réglementaires dans la loi d’avenir, la loi de transition énergétique et la loi de finances) existent, notamment dans le cas des "préparations peu préoccupantes".

Lors de la deuxième session du colloque, un état de l'art de l'usage des biomolécules en agriculture a été donné par le Professeur Laurent Legendre de l'Université de Lyon ; en insistant notamment sur les systèmes immunitaires qui existent à l'état naturel chez les plantes sauvages (défenses induites vs défenses constitutives), et dont la recherche s'inspire afin de proposer de nouvelles solutions pratiques pour les plantes cultivées. Plusieurs produits de stimulation de défense naturelle entrant dans la catégorie des biomolécules ont été présentés par les professionnels lors de cette session.

La troisième session consacrée à l'usage des micro-­‐organismes a été introduite par le Professeur Christophe Clément de l'Université de Reims. Des solutions semblent émerger afin de renforcer les systèmes de défenses naturelles, en appliquant des micro-­organismes bénéfiques qui stimulent les capacités de défenses naturelles des végétaux, qui favorisent l'établissement de bactéries endophytes favorables à l'intérieur des tissus végétaux et qui présentent des activités antagonistes directes vis-­à-­vis des agents pathogènes à l’origine des maladies des plantes. Au delà de l'activité liée à la protection des végétaux, les professionnels du secteur ont insisté sur l’optimisation de la croissance des plantes qui peut être engendrée par des micro-‐organismes, en absence de toute maladie.

La dernière partie du colloque a été l'occasion de réunir une table ronde de professionnels (agriculteurs, institut technique de développement agricole, coopérative agricole) autour de Marianne Decoin, rédactrice en chef de la revue Phytoma, où il a été question des freins actuels dans la mise en oeuvre et le développement des produits de biocontrôle.
Il ressort de ces débats que les produits de biocontrôle à disposition des agriculteurs ne peuvent aujourd’hui qu’être considérés que comme des solutions complémentaires des produits de protection des cultures issus de la chimie conventionnelle. Le prix est ressorti également comme un facteur limitant majeur expliquant le développement encore limité de ces solutions. La nécessité de générer des références techniques locales par les différents organismes de conseil (chambres d’agriculture, instituts techniques, coopératives…) est apparue comme essentielle afin que les utilisateurs appréhendent au mieux ces produits.
En outre, il a été partagé le fait que ces solutions de biocontrôle, même si pour la plupart d’entre elles sont d’origine naturelle, doivent bénéficier malgré tout d’une analyse scientifique approfondie avant leur mise sur le marché afin que les risques pour l’environnement et la santé humaine soient évalués par les experts et jugés comme acceptables.
Enfin, les acteurs de terrain sont tout particulièrement en attente de solutions bio‐herbicides dont le nombre de produits actuellement disponibles sur le marché s’avère très limité. Ils incitent ainsi les organismes de recherche publics et privés à orienter leurs travaux dans ce domaine afin de répondre aux enjeux associés à la gestion de la résistance des adventices aux herbicides et à la maitrise du risque de transfert potentiel des substances herbicides vers les ressources en eau.

Les allocutions de clôture ont été données par Erwin Dreyer, Président du Centre INRA de Lorraine, Jean‐Marc Petat, Directeur Développement Durable chez BASF France et Jean-Yves Le Déaut, député de Meurthe-­et-­Moselle et Président de l'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques.
Chacun a insisté sur l'enjeu majeur que représente le développement des solutions de biocontrôle, tant pour l'agriculture européenne que mondiale, la place centrale du savoir-­faire de la recherche et des entreprises françaises dans le domaine, et la  nécessité qu'il y aura à combiner les différentes stratégies de protection des végétaux à l'avenir. Ils ont rappelé également que les agriculteurs sont dans l’attente de solutions de biocontrôle alternatives offrant les mêmes standards d’efficacité que les produits de protection des cultures issus de la chimie conventionnelle actuellement à leur disposition. Toutefois, pour arriver à cet objectif, cela demande des moyens de recherche et développement conséquents. Le pas de temps de la recherche n’est, en effet, pas celui de la sphère politique.

 

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