A la recherche du nickel vert…

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08 Juin 2015

Au printemps 2015, Guillaume Echevarria et Emile Benizri, enseignants à l'ENSAIA et chercheurs au Laboratoire Sols et Environnement (UMR 1120 Université de Lorraine – INRA), sont  partis pour une mission de trois semaines sur l’Ile d’Halmahera (Archipel des Moluques, Indonésie) dans le cadre d’un partenariat entre l’Université de Lorraine (LSE) et l’entreprise ERAMET (Weda Bay Nickel - WBN), première compagnie minière française (nickel, manganèse, cobalt). Cette île, comme plusieurs autres îles indonésiennes, renferme des ressources considérables en nickel (roches ultramafiques) et ERAMET a pour projet d’y exploiter une concession sur 60 000 ha. Halmahera est par ailleurs une île très peu peuplée malgré ses 18 000 km2 et elle est encore essentiellement couverte d’une forêt équatoriale primaire à 80% dans laquelle vivent encore des peuples premiers sans contact avec la civilisation. Halmahera est aussi célèbre chez les naturalistes car Wallace y a consacré beaucoup de ses travaux sur la biodiversité (la fameuse « Ligne de Wallace » qui sépare l’Asie des territoires Autralo-pacifiques).

L’exploitation de nickel (Ni)  latéritique se traduit par le décapage systématique de la couverture pédologique sur de larges surfaces. Dans le souci de restaurer l’environnement après exploitation et de réinstaller la biodiversité de la forêt initiale sur les futurs espaces dégradés, WBN développe avec le Laboratoire Sols et Environnement un projet d’utilisation des plantes hyperaccumulatrices de Ni endémiques de l’île. Les plantes hyperaccumulatrices de Ni sont des exceptions dans le règne végétal ; elles peuvent accumuler jusqu’à plusieurs pourcents de Ni dans leurs parties aériennes (des teneurs 100 fois supérieures à celles des végétaux non accumulateurs).

Le projet, pour pouvoir se faire, nécessitait la découverte d’espèces hyperaccumulatrices de Ni natives de Halmahera. Cet inventaire n’avait encore jamais été réalisé par les spécialistes mondiaux de ces plantes, c’était donc un terrain vierge pour l’exploration. Pour cela, Guillaume Echevarria et Emile Benizri ont prospecté les différents écosystèmes sur roche ultramafique (Forêt alluviale primaire, forêt secondaire sur colline, forêt primaire d’altitude,…) sur les 600 km2. Le succès de cette étape préalable s’est concrétisé par la découverte de 14 espèces hyperaccumulatrices de Ni, dont plusieurs parmi des familles botaniques nouvelles chez lesquelles le phénomène n’avait jamais été rapporté. Parmi celles-ci, ils ont identifié une espèce de figuier dont le latex contient plusieurs pourcents de Ni.

Un seul arbre de l’espèce Rinorea bengalensis peut contenir jusqu’à 5 kg de Ni après une dizaine d’années de croissance.

La prochaine étape, multiplier les espèces (plants) et installer des parcelles. Constuire des successions de plantes d’abord pionnières puis forestières qui permettront d’exploiter le Ni des délaissés miniers (récupération de quelques tonnes de Ni par hectare !) et de préparer à l’installation à plus long terme d’une forêt secondaire plus riche en espèces. Ce procédé porte le nom d’Agromine*

Les prochaines missions seront consacrées à l’installation et au suivi de ces essais agronomiques un peu hors du commun (suivi de la biodiversité, de la fertilité des sols, des rendements et des quantités de Ni accumulées).

Un projet au bout du monde qui permet d’assurer la production « verte » de Ni, de restaurer de grandes surfaces dégradées par une activité minière traditionnellement très dévastatrice et de créer des services écosystèmes nouveaux à partir de la biodiversité locale.

 

 

 

 

Paysages de forêt primaire ultramafique de l’Ile d’Halmahera.  Photo : G. Echevarria

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Essais d’exploitation et de restauration écologique par Weda Bay Nickel. L’objectif est de restaurer une forêt la plus proche possible de la forêt primaire environnant le site. Photo : G. Echevarria

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’hyperaccumulateur de Ni Rinorea bengalensis (Violacée) contenant plus de 3% de Ni dans les feuilles mais aussi dans les vaisseaux du phloème comme le montrent les photos. L’ion Ni2+ est de couleur verte et colore les vaisseaux conducteurs. Photo : G. Echevarria

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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